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“L’éditeur Edmond Charlot,

éclaireur de la « civilisation méditerranéenne »“

"Le Monde", 13 avril 2004 par Jean-Pierre Péroncel-Hugoz :

 

Edmond Charlot"Dans l’histoire de la littérature française du XXe siècle, Edmond Charlot reste le découvreur d’Albert Camus, Jules Roy, Emmanuel Roblès et quelques autres grandes plumes francophones formées au Maghreb colonial. Lui même, né le 15 février 1915 à Alger – dans une famille établie là dès 1830, l’année de la conquête de la Régence turque d’El-Djezaïr par les Français -, avait un grand-père maltais, ce qui fait de lui un pur produit de ce creuset euroméditerranéen d’où sont sortis ceux que l’on surnommera plus tard « pieds-noirs ». Scolarisé d’abord chez les jésuites, c’est au lycée Bugeaud d’Alger, en 1933, que l’adolescent se liera avec Camus, de deux ans son aîné. Le duo subira l’influence du philosophe Jean Grenier, alors enseignant outre-Méditerranée et prestigieux auteur des Iles (1933). C’est lui qui, en 1936, encouragera l’étudiant en lettres Charlot, 21 ans, à fonder, à Alger, sous l’invocation de Jean Giono, et avec son autorisation, « Les Vraies Richesses ». A la fois librairie, bibliothèque de prêt, maison d’édition, galerie d’art et salon, cette « boutique » exigüe de la rue Charras devint vite l’un des principaux foyers culturels de « l’algérianisme » ou de ce que Camus appelle beaucoup largement, dès 1937, « la nouvelle culture méditerranéenne ».

Le premier peintre exposé est Bonnard, René-Jean Clot et Camus les premiers auteurs publiés, ce dernier avec Révolte dans les Asturies (1936) puis L’envers et l’endroit, Noces, etc. A Paris, Grasset se renseigne mais c’est pour savoir quelle est cette curieuse librairie d’outremer qui a écoulé rapidement plusieurs centaines d’exemplaires de… Lettres à un jeune poète de Rilke. Cependant, Charlot édite bientôt Max-Pol Fouchet, Jean Grenier bien sûr, et également Roblès, Gabriel Audisio, Jules Roy, six titres de Federico Garcia Lorca. Sous Vichy, Charlot est incarcéré trois semaines comme « présumé gaulliste », mais il poursuit encore ses activités – avec Camus, comme lecteur et conseiller littéraire –, publiant Gertrude Stein en 1941. Lorsque Alger, l’an d’après, devient capitale de la France libre, les éditions Charlot se développent rapidement, diffusant leurs productions du Liban au Portugal via l’Egypte et la Tunisie. En 1944-1946, Gide confie plusieurs textes (dont Pages de Journal) à l’entreprenant éditeur algérois, à l’instar de Joseph Kessel, Robert Aron, Vercors (Le silence de la mer, d’abord jugé œuvre « fasciste » par les communistes…). Sous la houlette de Gide, Charlot édite la première version de la revue L’Arche avec notamment le concours de l’écrivain berbère chrétien Jean Amrouche qui, sans doute à cause d’un « petit accès de jalousie littéraire » (Charlot in Le Monde du 13 août 1994), empêchera l’éditeur algérois de publier tout de suite l’écrivain berbère musulman Mouloud Feraoun…

A la Libération, en 1944, Charlot employé un temps en métropole au ministère de l’information, installe à Paris sa maison d’édition où il diffuse Virginia Woolf, Albert Cossery, Amrouche, Henri Bosco (Le Mas Théotime, prix Renaudot). Jules Roy, lui, décroche, durant sa période chez Charlot, le prix Renaudot pour La Vallée heureuse. C’est la gloire : plus de soixante-dix ouvrages, la plupart estimables, sortent de la maison algéro-parisienne en 1946. Deux ans plus tard, malgré le soutien de l’Association des éditeurs résistants, Edmond Charlot cale devant les difficultés financières paradoxalement entraînées par ses succès (entre autres le prix Femina pour Les hauteurs de la ville de Roblès), lesquels ne paraissent suffisants à aucune banque pour lui accorder des prêts… En 1949-1950, l’affaire est donc liquidée à Paris et Charlot retourne en Alger où il publie une quinzaine d’ouvrages sous le timbre « Rivages » (Vie de Mahomet de Dermenghem, Feraoun). A la même époque, il collabore à Radio-Alger, toujours sous le signe de cette « civilisation méditerranéenne »  qui, sa vie entière, sera son leitmotiv, son moteur, sa raison d’être – mais jamais un moyen d’enrichissement. Charlot a fondé à Pézenas, dans l’Hérault, où il s’est établi depuis 1980, l’association et la collection « Méditerranée vivante », cette dernière chez Domens, qui publie Jules Roy, Jean Sénac, Frédéric Jacques Temple, Roland Simounet, Jean de Maisonseul, Manuelle Roche, Péroncel-Hugoz, etc. L’association joue, elle, un rôle d’aiguillon au sein des Rencontres méditerranéennes annuelles du Languedoc (Le Monde du 20 avril 2000).

Après l’indépendance de l’Algérie (1962), Charlot passa un moment dans la diplomatie, afin d’animer les échanges culturels franco-algériens, alors, considérables ; il alla par la suite diriger le Centre culturel français de Smyrne (1969-1973) puis celui de Tanger (1973-1980). Charlot s’est finalement ré-enraciné à Pézenas où, avec sa compagne Marie-Cécile Vène, venue elle aussi d’Algérie, ils ont lancé dans la vieille cité occitane, sauvée par Malraux, la librairie « Le Haut Quartier » puis la bouquinerie « Car enfin », centrées naturellement sur Mare Nostrum .

 

Edmond Charlot éditeur de Michel Puche (préface de Jules Roy, 1995, 100 p., Domens) recense tous les titres publiés sous l’égide d’Edmond Charlot.

SUITE EDMOND CHARLOT, éditeur

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